Le projet du mois – Novembre 2023

Interview de Samuel Le Port - Treebal

Dans cette entrevue captivante, Samuel Le Port nous présente Treebal, une solution de messagerie instantanée qui n’a pas peur de bousculer les conventions du monde numérique pour répondre aux besoins actuels : avoir une consommation numérique plus respectueuse de notre planète. Avec plus de 20 ans d’expérience dans le digital, Samuel Le Port nous apporte une analyse critique des enjeux du numérique et comment amorcer un changement significatif.

Parlez-nous de votre parcours avant Treebal et de ce qui vous a motivé à créer cette entreprise.

Mon chemin vers Treebal a été long et diversifié. J’ai commencé ma carrière professionnelle en 2000, propulsé dans le monde du travail par des responsabilités familiales précoces. Trouver un emploi est devenu une nécessité immédiate, ce qui m’a mené, un peu par hasard, dans le secteur numérique au sein d’une grande et belle entreprise française, Sopra Steria. Pendant deux décennies, j’ai été immergé dans la transformation digitale, un domaine exigeant et rapide qui à cette époque laissait peu de place à la réflexion sur le sens de notre travail.

Après vingt ans, les questions que je n’avais pas eu le temps de me poser ont refait surface, m’incitant à rechercher un but plus profond. J’ai quitté Sopra Steria, toujours en bons termes, pour plonger dans l’univers des startups, cherchant à avoir un impact plus significatif. Parallèlement, j’ai pris la présidence d’une association, réaffirmant mon désir de contribuer à ma communauté, une passion qui m’a animé depuis ma jeunesse.

L’arrivée du COVID-19 a entraîné, comme pour beaucoup, des remises en question et des réflexions profondes. J’ai entrepris un Executive MBA, mais je me suis rapidement lassé des modèles d’affaires traditionnels. Seuls quelques cours, comme la théorie du donut, ont captivé mon intérêt et alimenté ma réflexion sur la création de Treebal avec mes associés.

Trois catalyseurs principaux ont façonné Treebal. Le premier est ma prise de conscience de la manière dont le numérique peut compromettre notre intelligence, inspirée par le livre “La civilisation du poisson rouge”. En tant que spécialiste du numérique, je ne pouvais pas accepter que nos données soient exploitées sans notre consentement. Le deuxième catalyseur est lié au premier : la question de l’autonomie et de la souveraineté numérique. J’ai même rédigé un mémoire sur la manière dont les entreprises engagées peuvent reconquérir notre autonomie numérique. Enfin, le troisième pilier est l’impact environnemental du numérique. Avec la crise climatique s’imposant comme une urgence, j’ai cherché à utiliser mes compétences en numérique pour sensibiliser et connecter les gens tout en réduisant l’impact environnemental.

Ces trois piliers sont au cœur de Treebal. Mon parcours personnel continue d’évoluer, et je suis convaincu que pour impacter le monde extérieur, il faut d’abord s’engager dans un voyage intérieur, enlevant nos masques et armures pour explorer notre véritable nature.

Question 2 : Présentez-nous Treebal : que proposez-vous et comment ça fonctionne ?

Treebal, c’est notre réponse à WhatsApp. Avec une ambition claire : répondre à l’urgence climatique. C’est une messagerie instantanée conçue principalement pour les professionnels, qui facilite la communication entre individus qui ne sont pas toujours connectés de la même manière. Dans les organisations, tout le monde n’a pas un smartphone, un PC, ou même une adresse email. Treebal permet de partager la culture d’une entreprise de manière inclusive, en tenant compte des différences de maîtrise du numérique entre les générations.

Notre objectif est de créer un outil professionnel sécurisé, chiffré de bout en bout, souverain, et éco-conçu pour réduire son impact environnemental. Il est également compatible avec des appareils plus anciens. Nous proposons non seulement une messagerie instantanée mais aussi une gestion de cette messagerie pour éviter le désordre. Nous structurons l’organigramme d’une organisation pour que les bonnes personnes soient dans les bons groupes.

En plus, Treebal agit comme un mini-réseau social où l’on peut diffuser des informations comme on le ferait via une newsletter ou un intranet, en s’assurant que tout le monde, indépendamment de sa position, soit informé des projets de l’entreprise. Cela favorise une communication Top Down et permet également, si désiré, une consultation participative pour capter l’opinion et les idées de tous.

Nous avons remarqué que dans les messageries instantanées traditionnelles, il y a une perte de confiance et une tendance pour les voix les plus fortes à dominer. J’ai vu cela dans mes expériences précédentes : il ne suffit pas de dire que tout le monde a la parole pour que ce soit le cas. Il faut des outils adaptés pour encourager une véritable participation. C’est pourquoi Treebal est conçu pour refléter la diversité des opinions et améliorer la productivité et la performance au sein des entreprises.

Question 3 : Où en êtes-vous actuellement avec Treebal, et quels sont vos objectifs pour l’avenir ?

Notre raison d’être, c’est quelque chose dont je suis particulièrement fier et je ne la changerais pour rien au monde, résonne profondément avec mes valeurs personnelles : le respect de l’humain et de la planète. C’est cette base solide qui guide notre trajectoire.

À nos débuts, il y a trois ans, Treebal était un pari. Aujourd’hui, on constate que notre projet répond à un besoin réel et s’inscrit dans une tendance de fond concernant la souveraineté numérique et la reconstruction du dialogue social. Hier encore, j’ai vu une interview du plus grand réseau RH français qui confirmait cette tendance – c’est exactement ce que Treebal cherche à adresser.

Nous sommes en pleine accélération commerciale, conscients qu’il faut aller vite. Il nous a fallu un an et demi pour développer un produit grand public, car nous savons que les risques viennent souvent de la sphère privée. Nous avons commencé à commercialiser notre version PRO cette année même, ciblant les professionnels. Nous proposons également des solutions en marque blanche, car chaque entreprise, fédération ou secteur d’activité a ses propres besoins spécifiques en matière de messagerie instantanée.

Pour s’adapter rapidement aux différents secteurs, nous avons besoin de partenaires. Cela s’inscrit dans une démarche RSE, où la coopération prime sur la compétition. Je ne veux pas être un entrepreneur solitaire du passé ; je veux que Treebal grandisse avec son écosystème. C’est un défi dans le monde actuel, qui reste dominé par une forte compétition et un individualisme marqué, malgré les discours qui prétendent le contraire.

Notre objectif immédiat est d’accélérer la commercialisation pour attirer le plus grand nombre de clients le plus rapidement possible. Cela nous permettra de renforcer notre équipe commerciale et de continuer à proposer un produit extrêmement fiable.

Question 4 : Quels sont, selon vous, les défis actuels dans le domaine du numérique ?

Les enjeux du numérique, c’est vraiment ma passion. Le secteur numérique doit absolument se réinventer. La France a un rôle à jouer, même si nous sommes en retard sur certains aspects. Il ne faut pas oublier que nous avons été à l’origine d’internet, même si nous l’avons laissé aux mains d’autres.

Il est temps de sortir de l’influence des lobbies. Il est anormal que des entreprises françaises promeuvent des solutions non françaises. On parle beaucoup d’écologie, mais le numérique ne suit pas et reste sous l’influence d’une vision solutionniste, en espérant que la technologie nous sauvera. Elle peut aider, notamment dans la santé, mais elle n’est pas la solution universelle. On manque de ressources pour produire toute cette technologie, et l’idée d’une IA responsable est déjà un sujet en soi.

Je suis convaincu que le changement ne viendra pas de celles et ceux qui dirigent le numérique en France et en Europe aujourd’hui, mais plutôt des jeunes et d’autres acteurs. J’espère contribuer à ce changement. Le numérique ne doit pas être vu uniquement comme un outil d’optimisation. Nous devons repenser nos besoins fondamentaux, comme le suggère la pyramide de Maslow : se nourrir, se vêtir. Quand allons-nous appliquer ces questions essentielles au numérique pour le recentrer sur les besoins vitaux de vivre et de survivre, et sortir du modèle de consommation excessive de données et de technologie ?

C’est un vrai défi pour les citoyens, qui sont aussi des consommateurs. Mais le changement doit d’abord venir des entreprises, qui peuvent montrer l’exemple. L’effort individuel est plus difficile, mais en groupe, que ce soit en association, en fédération ou en entreprise, il est plus facile de s’engager dans une démarche de sobriété. Voilà les enjeux tels que je les vois, qui répondent peut-être aussi à la deuxième question que tu m’as posée.

Question 5 : Avec plus de 20 ans d’expérience dans le numérique, qu’est-ce qui se fait différemment aujourd’hui par rapport à il y a 20 ans ?

Récemment, il y a eu une prise de conscience, encore très marginale, sur la nécessité de concevoir différemment. Peu en parlent, mais cela va venir et se réglementer, ce qui est une bonne chose. Mais il ne faut pas se leurrer, ce n’est pas juste en modifiant son site internet qu’on va faire une différence significative ; c’est une goutte d’eau dans l’océan. Il faut se méfier des faux messages et vraiment “déconstruire” le numérique, car sinon, on risque de créer de faux espoirs sans impact réel, ce qui pourrait se retourner contre nous, surtout avec une empreinte environnementale qui augmente de plus de 6 % par an en France.

Ce qu’il faudrait faire différemment ? Je dis souvent qu’il faut se demander à qui profite notre usage du numérique, que ce soit professionnel ou personnel. Premièrement, est-ce que cela nous rend plus heureux ? Deuxièmement, sommes-nous dans une situation de dépendance, que ce soit à cause d’une addiction personnelle – je n’utilise pas d’hypnotiques, par exemple – ou d’une dépendance envers un fournisseur comme Microsoft, qui augmente ses tarifs de licences de 30 % sans laisser le choix aux entreprises françaises déjà sous contrainte économique. 

Question 6 : Vous mentionniez la sobriété, un terme très en vogue actuellement. Pourriez-vous nous éclairer davantage sur ce qu’est la sobriété numérique ?

La sobriété numérique commence par se poser les bonnes questions : à quoi ça sert, qu’est-ce que je veux faire ? Avant même de se lancer dans un développement informatique, il est crucial de s’assurer de l’utilité de ce que l’on fait. J’insiste là-dessus. Parfois, les ingénieurs sont un peu déçus quand je n’aborde pas directement le numérique, mais le fondamental, c’est de se demander quel est le modèle d’affaires, à qui cela va profiter, est-ce que cela va faire du bien ou du mal.

Ensuite, on définit les fonctionnalités en se demandant si elles sont utiles ou non. Et c’est seulement à la fin qu’on réfléchit à la manière de les fabriquer. Comme pour une maison qui doit héberger une famille, on va bien la construire avec de bons matériaux pour qu’elle soit isolée et confortable.

Pour bien fabriquer un logiciel, il faut se concentrer sur trois aspects : les usages, l’infrastructure et les données. Le matériel est important, mais il doit découler des usages. Dans le secteur numérique, on a tendance à justifier de nouvelles infrastructures sans se poser les bonnes questions sur les usages. Il faut inverser cette tendance et mettre les usages en premier.

Concernant les données, elles représentent un enjeu géostratégique majeur. Cependant, cela ne doit pas nous entraîner dans une course effrénée à l’accumulation de données, ce qui serait contraire à la sobriété. Nous avons besoin de l’État, des collectivités et de la réglementation pour encadrer cela.

Chez Treebal, nous faisons beaucoup d’efforts pour minimiser le trafic de données, les allers-retours inutiles entre les téléphones, l’application et les data centers. L’empreinte numérique se compose du matériel, des usages et du trafic de données. C’est sur ces trois piliers que repose la sobriété numérique.

 

Question 7 : Pour finir, comme d’habitude : parlez-nous de votre engagement auprès d’Entrepreneurs pour la Planète ?

Alors, mon engagement avec Entrepreneurs pour la Planète est avant tout personnel. Je ne m’étais pas impliqué en tant qu’entrepreneur à proprement parler jusqu’à présent, j’ai découvert EPLP plutôt à titre individuel au gré des rencontres avec de belles personnes, cela pourrait évoluer…. Cela a commencé il y a deux ou trois ans lors d’une première réunion en Bretagne. Ce qui m’a frappé, c’est la sincérité et la bienveillance que j’ai ressenties, des qualités que l’on ne retrouve pas dans beaucoup de réseaux. J’ai perçu un véritable esprit d’entraide, une communauté qui se demande “qu’est-ce que je peux faire pour toi ?”, plutôt que de chercher à utiliser les autres pour agrandir le réseau.

Chez Entrepreneurs pour la Planète, l’objectif n’est pas d’atteindre un nombre de membres mais de faire grandir les entrepreneurs et le réseau de manière équilibrée, en apportant de la “chaleur ajoutée :)”. C’est une approche qui s’inscrit dans la sobriété, en cherchant à rassembler des entreprises de toutes tailles, des PME aux ETI, et pas seulement les grands groupes. L’idée de mentorat est également quelque chose que j’apprécie.

Pour conclure, je lance un appel à la communauté d’Entrepreneurs pour la Planète, surtout concernant le numérique. Récemment, j’ai parlé de souveraineté numérique lors d’un grand colloque. C’est un enjeu majeur pour ne pas laisser la culture française et européenne s’effacer. Il est urgent de développer des usages numériques français. 

Nous souhaitons avec la communauté réinventer un récit numérique au service de l’humain. Une communication responsable, sincère et inclusive devient incontournable dans nos organisations : la plateforme Treebal vous permet de structurer un dialogue simple, efficace et maîtrisé par la gouvernance de votre entreprise.

Mon appel est donc à la communauté et aux entreprises membres pour qu’elles privilégient des solutions françaises, comme la nôtre, afin de continuer à les faire grandir et de les pérenniser. 

À PROPOS D’ENTREPRENEURS POUR LA PLANÈTE

Entrepreneurs pour la Planète, l’association d’intérêt général qui fédère et anime une communauté d’entrepreneurs engagés pour la transition écologique des entreprises.

Sa mission est de :

  • Cartographier les porteurs de projet environnementaux & identifier les mentors.
  • Créer des binômes & promouvoir le reverse mentoring.
  • Animer & valoriser notre communauté d’entrepreneurs engagés.

Née en 2019 à Marseille, l’association est présente en France dans les 4 antennes dans les régions Sud, AuRA, Île-de-France, Bretagne & Pays de la Loire.

Rejoignez-nous : https://entrepreneurspourlaplanete.org/

Ensemble, entreprenons pour la planète !

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